La gamme

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La gamme Mega Force a connu un succès mitigé et, par voie de conséquence, une durée de vie courte. Dotée de modèles de grande qualité, d’un design qui osait sortir des poncifs et qui a bien vieilli, l’absence de dessin animé associé (comme pour M.A.S.K chez le même fabricant) a sans doute eu une grande part dans le fait qu’elle n’a pas trouvé son public.

Le logo de la gamme

Cette gamme méconnue est donc entourée d’une aura de mystère qui est renforcée par un contexte très peu détaillé. Deux camps -Triax et V-Rocs - s’affrontent, un conflit d’abord limité dégénère en guerre ouverte, nous n’en saurons pas plus. Les joueurs devront laisser parler leur imagination : l’action se déroule-t-elle sur Terre ? Quelles sont les causes de conflit ? Qui représente l’axe du mal ? Et surtout, est-ce que l’un des deux camps représente les Etats-Unis ? (réponse, on ne sait pas mais probablement que non)

La gamme commercialisée ne compte que 25 références réparties entre les 2 antagonistes : 12 V-Rocs et 13 pour Triax.

Les 2 protagonistes

Un extrait de la publicité TV de l’époque avec une évocation « wargamesque »

Alors qu’en cette fin de la décennie 80, la guerre froide s’achève, Megaforce n’y plonge pas ces racines, du moins pas directement. Deux camps antagonistes Triax et V-rocs s’affrontent. Qui sont-ils ? Leurs emblèmes ressemblent davantage à des logos de grandes entreprises qu’aux drapeaux d’état-nations.

Le logo Triax pourrait être une version très stylisée de la faucille et du marteau tandis que l’étoile jaune V-Rocs rappelle bien entendu celles qui ornent le drapeau américain. Le nom Triax doit-il être rapproché de l’Axe de la seconde guerre mondiale, ou s’agit-il juste de choisir un nom avec une sonorité accrocheuse ?

Dans une époque où la guerre froid a déjà été perdue par l’URSS, il aurait été tentant d’en retrouver les protagonistes. Mais en regardant les sources d’inspirations des modèles des 2 camps, on se rend compte qu’aucun ne peut être facilement identifié à un des blocs de la guerre froide.

Inspiration soviétique : Thunderwolf (Mil Mi-12), Hélicoptères de combat (Mil Mi-24)

Inspiration occidentale : Stratofortress (SR-71), Chasseurs- bombardiers (F-14),


Inspiration soviétique : Backlash (Blinder/Backfire/M-20)

Inspiration occidentale : Blackheart (unreleased), Chasseurs bombardiers (F-106)


L’absence de rattachement possible des 2 adversaires à des protagonistes réels laisse chacun libre d’imaginer le contexte.Et sans l’habituel manichéisme caractéristique du monde du jouet, la préférence va à celui accrochera le regard.

Le design des modèles Un réalisme assumé…

C’est sans doute dans le design de chaque véhicule que la gamme puise sa force. Loin de s’orienter vers de la science-fiction, les concepteurs font appels à des technologies actuelles, transposées à des échelles démesurées.

Ici vous ne verrez aucun lasers, lance-plasmas, canons à protons et que sais-je encore. L’atome est traité de la même façon : aucune arme nucléaire n’est utilisée (en VO tout du moins, il semble que certaines traductions françaises mentionnent le nucléaire) et, alors que c’est une technologie mise en œuvre depuis le milieu des années 50 en mer , aucune propulsion nucléaire ne motorise les mastodontes Triax ou V-rocs.

Ram Fist et Thorhammer

Le design des différents missiles reste assez rustique (Xt-enforcer, Brimstone) plus proche d’une bombe volante que d’un moderne Tomahawk, tandis que le calibre des canons évoque plus l’âge d’or des cuirassés que les conflits modernes.

En cherchant les sources d’inspiration qui ont pu guider les concepteurs de Kenner, on se rend compte que ces véhicules à fortes personnalités dérivent, plus ou moins, directement de véhicules ayant réellement existé, de prototypes militaires, etc.

C’est pourquoi dans la page associée à chaque modèle, vous trouverez une rubrique « Inspiration » où je livre les origines possibles de chaque véhicule. Bien entendu, il s’agit d’une interprétation personnelle qui sera peut-être amenée à évoluer avec le temps.

…Avec quelques limites

En revanche, on note des incohérences manifestes, fort heureusement peu dommageables :

Les camouflages retenus ne sont pas du tout en accord avec les décors présentés. Bien entendu, il faut pouvoir discriminer facilement les 2 camps mais les motifs jungles Triax jurent avec l’environnement. Les V-Rocs sont un peu mieux lotis de ce point de vue. Certains modèles ont une conception curieuse : l’emplacement étrange des tuyères du Backlash, la séparation du module avant du Stratofortress qui ne doit pas favoriser l’aérodynamique du module principal…. Certaines caractéristiques techniques sont aussi peu plausibles : le rayon d’action très faible du Stratofortress, la présence de panneaux solaires sur Ram-Fist…

L’illustration de Thunderwolf, peut-être le meilleur mecha-design parmi les véhicules commercialisés

Le schéma technique

Adjoindre un écorché du véhicule avec une fiche technique détaillée est une idée de génie et contribue beaucoup, à mon sens, à l’attrait des jouets Mega Force.

Ces schémas retranscrivent parfaitement l’échelle des véhicules (Thorhammer et ses 226 hommes d’équipage, Goliath et ses parkings à tanks verticaux ).

La fiche technique (VO) du plus gros véhicule V-ROCS : Thorhammer.

Les caractéristiques détaillées apportent beaucoup à ce pouvoir d’évocation du moins quand la traduction déficiente ou un vocabulaire étrange ne s’en mêlent pas. Mais à l’âge ciblé par Kenner, peu d’enfants ont du s’en rendre compte :

« R144 2 seat carrier base multi-rolled (sic) fighter » devient un « Avion de combat multi-laminé R-144 2 sièges; base porte-avions » là où il fallait lire « R144 twin seat carrier-based multirole fighter » et « Avion de combat embarqué/navalisé multirôle biplace R-144 » La taille ça compte

Sur les plaines désertiques qui sont les seuls décors représentés dans l’imagerie Mega Force, on voit mal comment quelques fantassins pourraient s’opposer au règne des machines.

Lorsque la plus petite unité combattante est de la même taille que les plus grands véhicules du monde réel, la place du fantassin semble assez limitée.

Les illustrations “en action” de packaging montrent des piétons dans leur première version (celle qui a été apparemment commercialisée qu’aux Etats-Unis). L’homme apparaît dans les diagrammes techniques : comme pilote, équipage, mécanicien mais aussi groupes d’assaut (Skorpion), médecin/infirmier (Crossbolt). A chacun sa place.

Les concepteurs ont aussi eu le grand mérite de penser au rôle de chaque modèle : plutôt qu’une succession de tanks/avions plus ou moins puissants, ils ont créés des véhicules d’assaut, des véhicules logistiques (Trident pour l’approvisionnement en kérosène) ou de soutien (Crossbolt et son hôpital de campagne).

4 véhicules aux profils variés : une plateforme de lancement de navette, une héliport mobile, un char articulé, un hélicoptère de transport lourd.

Les appareils sont polyvalents, parfois à l’extrême comme le Stratofortress qui sert de bombardier lourd, d’Awacs, d’avion de reconnaissance, de porte-avions et d’espionnage électronique.

Autre fonctionnalité toujours présente, chaque véhicule de grande taille peut embarquer les plus petits ce qui permet d’enrichir un peu la « jouabilité » du modèle.

Backlash dans une version non définitive, Stratofortress

Les ingrédients du culte

La gamme Mega Force présente beaucoup de caractéristiques qui, à notre époque, vouant une vénération parfois sans borne à ce qui est rétro et vintage, aurait pu la rendre culte.

  • une fabrication de qualité et un design qui sort de l’ordinaire,
  • un packaging intelligent, évocateur,
  • un background entouré d’une aura de mystère,
  • une commercialisation trop vite interrompue, l’existence de prototypes, ébauches non commercialisés.

Et bien malgré cet alignement de planètes favorables, la gamme reste inconnue, tout du moins en France.

Extrait d’un catalogue pour grossistes montrant 4 prototypes non commercialisés

Je raconte ma vie

J’ai eu la chance de me voir offrir plusieurs modèles de la gamme autour de ce que j’estime être les années 90-91.

Avec le recul, je crois qu’il s’agit de mes derniers jouets avant la bascule dans l’enfer – relatif- des jeux vidéos !

Dans mon souvenir, la gamme était loin d’être disponible dans tous les magasins aussi bien à Paris qu’en Province. Elle avait à mes yeux le double attrait d’un design à la fois réaliste et démesuré, et de modèles très bien réalisés. Pour une fois aussi qu’on avait un jouet qui différaient de celui du voisin.

Son échelle présentait aussi le (petit) avantage de prendre peu de place dans la chambre ! C’est ainsi que mes mains virent passer Tar-Traks, Stratofortress, Backlash, Goliath, XT-Enforcer et plusieurs des plus petits véhicules en blisters.

Il y a quelques mois, l’idée de les retrouver a germé dans mon esprit. A l’origine, il s’agissait de trouver quelques modèles pour décorer ma future gaming-room. Finalement, je n’ai pas su m’arrêter avant d’atteindre le fullset, ce site en est la conséquence dans l’espace virtuel d’Internet.